S'inscrivant dans la droite ligne de cette "nouvelle" chanson française qui n'en finit pas de déverser sur la route de jeunes talents, "Décembre en été", premier album de Da Silva, s'appuie sur des textes courts et une orchestration pour le moins minimaliste. A cette formule guitare-voix s'ajoutent au gré des morceaux une poignée d'instruments et de musiciens : mélodica (dont Da Silva joue lui-même), mandoline et ukulélé (Pierre Sangra, guitariste de Thomas Fersen), piano et percussions (Albin de La Simone) ou encore violon (Raphaël Chevalier). Le tout a été confié aux mains expertes des réalisateurs Dominique Ledudal (Rita Mitsouko, JP Nataf, Thomas Fersen, Jeanne Cherhal…) et Renaud Létang (Manu Chao, Albin de la Simone).
Concentré de bonnes choses, l'album "Décembre en été" chante avec nostalgie les sentiments ("La meilleure amie"), l'amour et ces relations qui tournent court("L'indécision", "Les fêtes foraines"). Pour autant, il faut se garder de l'y enfermer. S'il donne parfois dans la légèreté, Da Silva ne se complaît pas dans ces histoires amoureuses. Son propos est parfois tout autre : sérieux quand il se souvient de ce soir du 21 avril ("Une éclaircie"), nostalgique au moment d'aborder l'enfance ("La traversée"). Joueur de mots ("Les loges de la colère", "Se fendre les joues") il évoque avec les derniers jours du poète Arthur Rimbaud sur un morceau dans lequel Françoiz Breut lui donne la réplique ("Décembre en été"). Dans ce titres se devinent des influences variées. Sur "Se fendre les joues" la mandoline portugaise est comme une invitation au voyage au pays du fado. Cette saudade portugaise belle et bien présente est portée par une voix rocailleuse qui n'est pas sans rappeler celle d'un Cali (la nostalgie en plus) ou d'un Miossec. La référence au chanteur breton transparaît très clairement lorsque Da Silva chante sur "La chance" : "Je veux tenter, tenter ma chance / Croire que l'on peut encore s'échapper / Contre ta peau, contre ta peau m'étendre / Et me dire que tout va, tout va s'arrêter". Ce morceau cumule à lui seul moult références : ainsi, l'introduction au violon n'est pas sans évoquer celui de Louise Attaque.
Cet album voulu avec un ton résolument rock marque un vrai tournant dans la carrière de Da Silva. A vingt-neuf ans, l'ancien punk prend un nouveau départ. Ainsi, les titres de ce premier album sont exclusivement écrits en français. Voilà un vrai changement pour celui qui, à la langue de Molière préférait l'anglais et l'espagnol. Des Punishment Park (avec des dissidents des Tambours du Bronx) à Mitsu, nom sous lequel il joue des machines lors des Transmusicales de Rennes, Emmanuel Da Silva aura tout tenté avant de trouver sa voie... en forme de voix. Cette voie, il nous la livre sans artifice dans un album composé sur les routes pendant presque deux ans. Rien de surprenant à ce que ce premier disque soit finalement si abouti puisqu'il y a jeté le fruit d'expériences multiples. Celles là même qui ont façonné un artiste bouillonnant mais en voie d'apaisement. Un artiste qui s'exprime sans artifice avec sa voix, sa guitare, et son vécu. Et son talent, bien réel.